Que sait la science et que savons-nous ?
23 juillet 2015Le véritable amour est un oui inconditionnel à l’autre. Qu’est-ce qu’un autre ? Ce qui n’est pas même : ni moi ni comme moi. L’autre m’échappe. Au-delà de moi, ne pouvant être compris dans les limites de mon savoir, il est mystère. L’amour est un oui sans condition au mystère qu’est l’autre. Autrui n’a pas à être comme moi ni comme je veux qu’il soit : il n’a pas à correspondre à mes attentes. La première étape pour apprendre à aimer est donc de lâcher ses attentes. Celles-ci sont fondées sur le manque. Il y a en nous, gravée au cœur de notre chair, une souffrance qui correspond à tous nos manques passés. Les attentes que nous projetons sur les autres sont des stratégies de soulagement de cette souffrance : nous voyons en l’autre l’objet qui va pouvoir nous combler. Cette femme dont je suis amoureux, je l’associe à ma mère dont l’amour m’a fait défaut sous une forme ou sous une autre, et je lui demande inconsciemment de me donner ce dont j’ai manqué. Nous avons tous de multiples carences affectives, car le manque est inhérent à la condition humaine. Nos attentes, nos projections sur autrui témoignent d’un refus de cette sensation de manque.
C’est ainsi que nous posons des conditions à notre accueil d’autrui: « Sois tel que mon manque est soulagé. » Ainsi, nous conditionnons ce dernier qui, pour se sentir aimé, doit se conformer à notre projet sur lui — donc cesser d’être lui-même. Le simulacre de l’amour est une prison qui fait d’autrui l’otage de nos propres besoins, ce qu’il ne peut accepter qu’en nous enchaînant de la même manière. Aimer, c’est d’abord libérer l’autre de nos refus d’éprouver le manque et la souffrance. Apprendre à aimer exige d’être impitoyable avec soi-même.
L’amour accompli a deux faces. La plus connue est sa face féminine, l’accueil inconditionnel: « Qui que tu sois, quoi que tu fasses, je t’accueille, mon amour t’est donné. » C’est bien sûr l’essence de l’amour maternel, mais la polarité féminine de l’amour accompli se rencontre également en toute femme qui aime ainsi qu’en tout homme puisque, comme l’a montré Jung, tout être humain est porteur des archétypes féminins et masculins.
Moins connue est la face masculine de l’amour accompli. À l’instar de son homologue féminine, elle consiste dans un oui inconditionnel à l’autre. Mais ce n’est pas le même oui. Non pas accueil, mais désir inconditionnel de l’autre, ce n’est pas un oui de réceptivité mais d’action. Sa formule est : « Qui que tu sois, deviens-le ! » C’est l’amour exigence, celui qui somme l’autre d’être digne de lui-même : « Cet être que tu es, ce mystère que je ne connais pas et qui t’échappe aussi à toi-même, je veux l’éprouver, je veux que tu me le donnes et que tu le donnes au monde. » C’est l’amour du père et le fondement de l’autorité paternelle authentique. C’est l’amour du véritable maître, s’il en est. Et c’est une dimension qui existe au cœur de tout véritable amour — raison pour laquelle celui-ci n’est jamais de tout repos! Celui ou celle qui m’aime véritablement sera toujours sans pitié pour mes masques, mes tiédeurs et mes échappatoires, tout ce qui m’empêche de vivre et d’accomplir la vérité profonde de mon être.
Le désir inconditionnel sans l’accueil inconditionnel est dureté, ce n’est plus de l’amour, car il n’y a pas de compassion pour les faiblesses de l’autre. Mais l’accueil inconditionnel sans l’exigence du véritable désir est un confort régressif qui étouffe la vie. Ainsi peut-on imaginer que l’amour divin est indissolublement masculin et féminin.
Dieu nous aime avec une tendresse impitoyable.